Pendant la grossesse, nous imaginons la première rencontre avec notre bébé, souvent sans envisager l’accouchement avant terme. Dès lors, la naissance prématurée bouscule toutes nos prévisions et nous rend démunis en tant que parents. Dans cet univers inconnu et singulier, nous nous sentons étrangers, pris malgré nous dans un tourbillon épuisant qui procure un sentiment d’impuissance. Comment construire une intimité familiale dans ce contexte ? Dans cet article, nous abordons les bénéfices de la lecture (et de votre voix) pour renforcer le lien parent-enfant à l’hôpital.
Nous ne sommes ni médecins ni psychologues. Nos contenus ne doivent en aucun cas être considérés comme des avis médicaux. Toute question médicale doit être posée à un médecin.
Sommaire
Une entrée dans la parentalité qui complexifie la création du lien d’attachement
Nos bébés prématurés bénéficient pendant leur hospitalisation de soins d’une grande technicité. Les traitements médicaux permettent aux organes encore immatures de nos petit·e·s costauds de grandir correctement afin de devenir autonomes. Seulement, les machines ne représentent pas l’unique soutien pour la croissance de votre enfant, votre présence compte tout autant pour le développement neurologique et cognitif de votre bébé.
Cependant, au milieu des process médicaux et des émotions bouleversantes, les parents parviennent parfois difficilement à construire leur rapport parental. Entrer en relation avec son enfant n’a rien d’une évidence lorsque nous ne sommes pas dans le confort de notre logement, que nous nous inquiétons pour la santé de notre bébé, que nous devons nous occuper du reste de la fratrie, que la culpabilité de cet accouchement prématuré nous ronge ou que la logistique nous pèse…
Le contexte de l’hospitalisation, malgré son utilité vitale, instaure de la distance et une forme de sidération qui gêne souvent la création d’une intimité.
Les bienfaits de votre voix pour le développement des bébés prématurés
Même si les organes de votre petit·e costaud continuent de croître après sa naissance, ses sens apparaissent fonctionnels dès 24 semaines d’aménorrhée comme nous l’évoquons dans l’article sur le développement du bébé prématuré.
Grâce à ces perceptions de son environnement, vous pouvez entrer en relation avec votre bébé de plusieurs manières, par le peau à peau, le tirage de lait, les langes portant votre odeur, le regard, la musique ou la parole.
In utero, votre bébé vous a rencontré par le biais de votre voix et il est capable de la reconnaître entre mille. En effet, le cerveau du nouveau-né, même endormi, fait la distinction entre un « a » prononcé par sa maman et la même voyelle énoncée par une voix féminine étrangère, comme le montre les travaux de doctorat de Maude Beauchemin dirigés par la professeure Maryse Lassonde du Département de psychologie.
Une autre étude du Dr Manuela Filipa (CHU de Genève) révèle combien la parole présente un intérêt dans l’accompagnement médical du bébé prématuré dans un article du trimestriel n° 570 de La Recherche : « Le contact vocal précoce (parole ou chant) peut activer des réponses — mesurables — de bien-être chez le bébé prématuré. »
D’après ces recherches, une stratégie de soins basée sur la voix sert à :
« réduire l’impact à long terme de l’hospitalisation néonatale, à minimiser les effets négatifs de la naissance prématurée et à favoriser le développement positif du cerveau. »
La chercheuse poursuit en affirmant que les bénéfices constatés sont valables avec la voix des deux parents qui joue dès lors « un rôle fondamental dès les premières heures de la naissance d’un enfant avant terme. » Une nouvelle preuve, s’il en fallait une, de la place essentielle du co-parent !
Par ailleurs, une autre étude atteste que le contact vocal pendant une intervention douloureuse présente un effet analgésique chez les bébés prématurés. Vanessa Alix, spécialisée dans la douleur du bébé prématuré, nous soulignait d’ailleurs les vertus apaisantes des voix parentales dans une interview :
« Plusieurs études ont montré l’importance des parents dans la prise en charge de la douleur de leur enfant, les enfants se rappellent de leurs voix (entendues durant toute la grossesse). Les bébés ont besoin de leurs parents, et les parents de leur bébé ! »
Sans nul doute possible, votre enfant reconnaît votre voix et celle de votre partenaire. Vos paroles procurent un sentiment de stabilité, comme une sensation d’être chez soi.
Les initiatives qui se servent de la lecture pour renforcer le lien parent-enfant à l’hôpital
Si votre voix présente un aspect sécurisant pour votre enfant, il peut ne pas être évident de savoir quoi dire. À travers l’incubateur qui vous sépare, vous pouvez avoir le souffle coupé et ne pas parvenir à trouver les mots pour vous adresser à votre bébé. En ce sens, la lecture incite à passer le pas de la discussion en vous fournissant un ancrage sur lequel vous appuyer, un moyen de véhiculer votre émotion et votre tendresse. Les livres deviennent alors des passerelles qui vous lient à votre petit·e costaud.
Le projet « Lire aux bébés », partenariat entre le service de néonatalogie du CHRU de Tours, le laboratoire InTRu de l’université de Tours, l’association d’éducation populaire Livre Passerelle, a vu le jour avec l’idée d’aider les nouveau-nés prématurés à se construire en tant qu’enfant de leur parent, et non pas seulement comme patient. En s’appuyant sur les recherches de psychologues, psychiatres, linguistes, pédiatres et musicologues, les équipes souhaitent intégrer dans le service de néonatalogie une pratique active de la culture orale pour créer « une atmosphère de parentalité ».
En plus de servir de médiateur, les livres nourrissent également l’imaginaire et invitent à l’évasion, le temps d’un instant. Dans l’optique de faire rêver les bébés, le Centre hospitalier de Cornouaille à Quimper a proposé une séance de lecture dans les services de maternité et de néonatalogie en lien avec l’association Parentel. Cette initiative a permis d’offrir une parenthèse aux parents et un moyen unique de se rapprocher dans le contexte hospitalier comme le précise Martine Pelletier-LeTeuf, psychologue de l’association Parentel, dans l’article du Télégramme :
« offrir un moment de sensations à partir de la voix et soutenir le lien parent enfant ».
Le contexte d’une naissance prématurée offre un cadre déstabilisant pour découvrir et approfondir notre rôle de parents. Dès lors, la lecture se positionne comme un intermédiaire pour construire un lien de confiance. Les histoires et les contes facilitent les échanges et établissent une connexion naturelle avec votre nouveau-né. Grâce à ce support, votre petit·e costaud entend votre voix et celle de votre partenaire, un son qui lui apporte une profonde sensation de confort. Vos proches et vos aînés peuvent également prendre part à ce moment de partage lors de leur visite, si elles sont autorisées. Par ailleurs, d’autres techniques existent pour renforcer le lien parent-enfant à l’hôpital comme diffuser des musiques apaisantes, pratiquer le peau à peau ou le portage. L’équipe médicale pourra vous conseiller sur les méthodes envisageables dans votre situation, en fonction de l’état de santé de votre mini super-héros ou super-héroïne. Pour aller plus loin sur ce sujet, nous avons consacré un chapitre complet dans notre guide d’accompagnement des parents de bébés prématurés pour vous aider à prendre votre place de parent.
Avez-vous utilisé la lecture pour entrer en relation avec votre bébé pendant son hospitalisation ? Nous serions ravis de recevoir votre témoignage. Si vous le souhaitez, vous pouvez nous partager votre histoire sur notre page contact, en message privé sur nos réseaux sociaux (Facebook et Instagram) ou dans les commentaires de cet article.
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