Chaque année, 75 000 nouveau-nés sont hospitalisés et parmi eux, 60 000 sont prématurés. Malgré ces chiffres importants, peu de parents envisagent cette éventualité pendant la grossesse de leur enfant. Souvent, l’expérience de l’hospitalisation coupe le souffle. Démunis et déboussolés, les pères ou les partenaires se sentent parfois laissés de côté, impuissants ou inutiles dans le service de néonatalogie. Pourtant, le rôle du second parent est essentiel, il est même précieux à bien des égards. Dès lors, quelle place pour le co-parent d’un bébé prématuré ? Dans cet article, nous nous concentrons sur ce rôle majeur et trop peu mis en avant.

Quelle place pour le co-parent d’un bébé prématuré ?

Nous ne sommes ni médecins ni psychologues, nos contenus ne doivent pas être considérés comme des avis médicaux. Pour toute question médicale, consultez un professionnel.

Le co-parent : le grand oublié de la parentalité ?

Si l’annonce de la grossesse a pu être un moment mémorable de votre vie, la naissance prématurée est vécue comme l’un des plus difficiles. Les adjectifs manquent pour décrire cette situation bouleversante, complexe et traumatisante. 

Dans le cadre de la prématurité, tout comme lors d’un accouchement à terme, l’attention se porte souvent sur le vécu des mamans. Bien sûr, cette attention est légitime tant ses ressources physiques et émotionnelles sont éprouvées. Néanmoins, ce chamboulement n’implique pas uniquement les mères. En tant que co-parent, vous êtes tout autant concerné par cette naissance qui a mis en danger votre bébé, et peut-être votre femme. 

En tant que co-parent, vous allez sûrement décupler votre énergie pour faire face à cette période si délicate. Les premiers jours sont d’une extrême intensité tant au niveau du cadre hospitalier, que des émotions. Pour soutenir la maman, vous allez adopter le rôle de pilier, de soutien et d’appui, alors même que vous êtes, vous aussi, en état de choc

À cet égard, les partenaires sont parfois les grands « oubliés » dans l’expérience de la prématurité alors qu’eux aussi vivent de plein fouet cette situation incertaine, tout en cherchant à compenser pour préserver leur conjoint.

Vous avez le droit d’avoir peur, de pleurer, d’être déboussolé, perdu et de vous poser des milliers de questions. Vous pouvez ressentir de la culpabilité et une impuissance, tout comme la maman. Vos émotions ne sont pas moins légitimes. 

Pour les papas, exprimer sa sensibilité et sa fragilité peut être compliqué. Depuis petits, les hommes peuvent vivre des injonctions pour ne pas verser de larmes et rester « forts » en toutes occasions. Il n’y a aucune honte à vivre ses émotions, à se laisser toucher et bouleverser par les événements, vous vivez une situation déchirante et troublante. 

« La présence du père ou second parent est également synonyme de diminution du risque d’épuisement pour la mère, particulièrement dans la période qui suit la naissance ! » nous disait d’ailleurs Gaël.

La présence et le soutien du co-parent d’un bébé prématuré

Vivre vos émotions

Il peut arriver que les co-parents éprouvent des difficultés à s’attacher à leur bébé. Le contexte de l’hospitalisation ne facilite pas la création d’un lien profond et intime. La vision incertaine de l’avenir et la peur de perdre son enfant ajoutent leur lot de freins à l’attachement. 

Le livret de l’association SOS Préma consacré aux pères évoque parfaitement ce sujet :

« Souvent, ils appellent l’association pour demander des statistiques de survie et de séquelles. Derrière ces questions, nous avons appris à reconnaître la question de l’attachement : puis-je m’attacher à mon bébé ? 

Nous ne donnons pas de chiffres. Ce qui importe ce jour-là n’est pas ce qui arrive en France ou dans le monde, mais ce qui arrive à votre bébé. »

L’amour transmis à votre bébé et celui que vous recevez de sa part est essentiel, quels que soient les statistiques ou le pronostic.

La peur pour votre bébé et pour votre partenaire est compréhensible et il ne faut pas hésiter à communiquer vos angoisses aux soignants, au psychologue du service, aux associations spécialisées dans la prématurité, à d’autres parents ou à vos proches. 

Si vous en avez la possibilité, appuyez-vous sur votre famille, vos amis ou même votre entourage (collègues, voisins, etc.). Leur aide logistique sera très précieuse pour les trajets, les repas ou pour s’occuper parfois de vos aîné·e·s. Ce soutien vous permettra aussi de vous concentrer sur vos émotions et sur votre petit·e costaud.

Entrer en relation avec votre bébé

Le toucher

Comme vous pouvez le constater dans l’article sur le développement d’un bébé prématuré, le premier sens qui s’affirme au cours des premières semaines de grossesse est le toucher. Pour cette raison, votre petit·e costaud se montre sensible aux câlins et plus particulièrement au peau à peau. Ce contact corporel contenant respecte la sensibilité des bébés prématurés et permet aux parents de rencontrer leur bébé.

Gaël nous partage son expérience en réanimation néonatale :

« Les bébés aiment (pour la plupart) être contre nous, enveloppés de nos bras. Il peuvent également chercher à retrouver les limites physiques qu’ils percevaient à l’intérieur de l’utérus, ce qui peut se traduire par des gesticulations désorganisées, à la recherche d’appui. Dans ce cas, il peut être utile de tester l’emmaillotage. Vous pouvez également tout simplement placer une main contre la tête du bébé, et une autre main contre les pieds, en aidant doucement votre bébé à replier les jambes, ce qui lui permet de se regrouper et de ressentir des limites physiques apaisantes. »

En plus des multiples bienfaits reconnus du peau à peau pour la croissance de l’enfant, cette pratique permet de créer une intimité et de se connecter l’un à l’autre. Durant ces moments, votre petit·e costaud vous reconnaît et vous le fait savoir. 

Il n’existe pas une seule façon d’aimer son bébé et de lui apporter du réconfort. Au niveau du toucher, vous pouvez aussi participer aux soins, notamment le bain, si cela est possible. Ces moments d’échange et de partage vous permettront de prendre votre place de parent.

La parole

Parmi les autres manières d’entrer en relation avec son bébé prématuré, la parole présente de nombreux bénéfices. Votre voix, comme celle de votre partenaire, possède un effet apaisant sur votre enfant. Le fait de raconter une histoire, de chanter, d’expliquer un évènement, par exemple si vous devez vous absenter, permet de dédramatiser les situations et de créer un lien. Même si votre bébé ne peut pas vous répondre, il comprend vos intonations.

Vanessa Alix, spécialisée dans la douleur du bébé prématuré décrit l’aspect bénéfique des interactions verbales :

« Plusieurs études ont montré l’importance des parents dans la prise en charge de la douleur de leur enfant, les enfants se rappellent de leurs voix (entendu durant toute la grossesse). Les bébés ont besoin de leurs parents, et les parents de leur bébé ! ».

D’autres stimulations sonores permettent d’établir une connexion avec votre petit·e costaud. Laure et Gaël ont par exemple mis en place un rituel autour de la musique qu’ils décrivent dans cet article pour créer un moment de détente et de partage unique avec leur petit costaud.

L’observation

Regarder son bébé permet de mieux le comprendre et de le rencontrer. Petit à petit, vous apprenez à interpréter ses gestes et ses grimaces comme autant de paroles inaudibles et pourtant parlantes. Un poing qui se serre témoigne d’une gêne, un sourcil qui se fronce évoque un trouble ou un mouvement à la commissure des lèvres montre un moment de bien-être. 

Fanny Marchand, psychomotricienne au CAMSP de Trappes, accompagne justement les parents à prendre confiance en eux en leur proposant d’observer leur enfant :

« Nous allons le regarder, noter ses mimiques et nous demander : qu’est-ce qui ne va pas à ce moment-là ? Là il gigote, il est bien, il n’est pas bien, pourquoi ? Qu’est-ce qui le gêne ? Qu’est-ce qui ne le gêne pas ? Qu’est-ce qu’il aime ou n’aime pas, comment aime-t-il être porté ? En amenant les parents à décrire corporellement leur enfant, ils se rendent compte qu’ils savent. »

Gaël en parle également dans l’article consacré au congé paternité :

« Il faut du temps pour que tout cela se mette en place, car chaque parent est différent, et chaque bébé est unique. Il faut donc le temps de trouver son rythme : entre chaque parent et le bébé, entre les parents eux-mêmes, avec les proches… Cette période de coadaptation conditionne la qualité de l’attachement et des relations qui s’installeront dans la durée. »

Participer à l’allaitement

Le père ou le co-parent joue un rôle important pour l’allaitement d’un nouveau-né hospitalisé. Durant les premiers jours, la mère peut avoir des difficultés à se déplacer, vous pouvez alors faire le lien entre les soignants, le bébé et la maman. 

Vous pouvez accompagner la prise en charge pratique de l’allaitement par exemple en louant un tire-lait, en effectuant le nettoyage, en stockant les biberons dans le respect des consignes des soignants ou en apportant le lait dans le service. 

Lorsque cela est possible, vous pouvez également participer à l’alimentation par sonde, porter le bébé, le soutenir en l’enveloppant ou l’aider à travailler l’oralité. Ces actions concrètes vous permettent de trouver progressivement votre place dans le service et en tant que figure parentale. 

Plus tard, vous pourrez toujours vous investir dans les repas, que ce soit pour les biberons ou lors de la diversification alimentaire.

La présence et le soutien du co-parent d’un bébé prématuré.

Le retour à la maison

Le retour à la maison avec son bébé prématuré marque souvent une étape attendue puisqu’elle annonce le retour à une « vie normale ». Cependant, cette période peut aussi faire ressurgir des émotions enfouies et raviver le bouleversement ressenti durant l’hospitalisation, comme un boomerang. 

L’expérience vécue ne s’efface pas une fois la porte d’entrée franchie et le traumatisme peut rester vif, même des années plus tard. Pour faire le pont entre l’hôpital et « l’après », nous avons consacré un article sur le sujet de l’accompagnement des parents après la néonatalogie.

Prendre soin de soi

Les montagnes russes de l’hospitalisation ne laissent que peu de répit aux parents. Les émotions s’accumulent, tout comme les doutes et les craintes. Face à cette situation, il est important de garder des espaces pour soi, pour se recentrer. 

Gaël étant formé à l’hypnose, cette ressource leur a permis, avec Laure, de s’évader de l’environnement de la néonatologie, le temps de quelques minutes, mais réellement ressourçantes.

Nous vous parlions également des bienfaits de la méditation pour les parents épuisés afin de réduire le stress dans cet article.

Une fois de retour à la maison, la fatigue physique et émotionnelle ne disparaît pas. Les parents ont besoin de reprendre leurs repères et de prendre soin d’eux. Pendant cette période, le soutien de l’entourage familial permet de soulager un rythme prenant et de s’accorder un moment pour se retrouver, par exemple autour d’un repas au restaurant, en profitant d’une sieste ou lors d’un massage.

La question du couple

La prématurité est souvent une épreuve que vous traversez à deux. Chacun dispose d’outils différents et de ses propres ressources pour traiter les événements et accepter ses émotions. Parfois, des zones d’incompréhension apparaissent. 

Cependant, le cadre de l’hospitalisation ne facilite pas les échanges et souvent ce problème est relégué au second plan. Même si ce n’est pas toujours simple, le dialogue vous servira à apaiser ces non-dits et à changer de perspective ensemble. 

Pour parvenir à libérer ses tensions, vous pouvez demander de l’aide auprès de professionnels, ensemble, ou chacun de votre côté.

L’investissement du co-parent : une importance de plus en plus reconnue

Dans les années 1950, les pères n’étaient pas admis en salle de naissance ni en suite de couches. Depuis, la présence des co-parents est devenue primordiale dans toutes les étapes. Et pour cause, les études montrent que la présence de ses parents est bénéfique pour le bébé. Pas uniquement la maman, mais bien les deux parents. 

En tant que père, mère ou partenaire, vous êtes les premiers concernés par ce qui arrive à votre bébé. Les soins de développement placent les deux parents comme partenaires de soins et mettent en évidence leur rôle fondamental pour répondre aux besoins de l’enfant. 

De la même manière, le rapport des 1 000 premiers jours évoque l’importance de la présence et de l’implication du père ou du co-parent pour le développement et la santé de l’enfant. La charte du nouveau-né hospitalisé s’appuie sur le rôle protecteur des deux parents, pas seulement la mère. 

« Notre vision non scientifique et toute personnelle est qu’il s’agit de stéréotypes sociétaux, qui ont leur part de vérité, mais qu’au-delà de l’attribution père-mère il s’agit de rôles complémentaires qui peuvent être endossés par l’un ou l’autre des parents, l’important étant que l’enfant en bénéficie ! Plus de temps pour les parents auprès de leur enfant signifie selon nous plus de temps pour définir ces rôles et les répartir de manière consciente et équilibrée ! »

Gaël

Le rôle clé du co-parent est de plus en plus pris en compte dans les services de néonatalogie, notamment pour participer aux soins. À ce titre, la question du congé du second parent est essentielle pour garder une proximité constante durant l’hospitalisation, créer un lien d’attachement et introduire une parentalité active et responsable. Gaël partage son histoire de papa et son vécu de la prématurité dans ce portrait

Nous serions heureux de recevoir votre témoignage sur votre vécu de co-parent pendant la période de l’hospitalisation de votre petit·e costaud, et même après votre retour à la maison. Si vous le souhaitez, vous pouvez nous partager votre histoire sur notre page contact, en message privé sur nos réseaux sociaux (Facebook et Instagram) ou dans les commentaires de cet article.

Sources : 

Si vous avez aimé l'article, vous êtes libre de le partager :)