Lorsque notre bébé nait prématurément, nous nous posons mille questions. Entre les soins, les actes plus ou moins invasifs et les nombreux examens que les nouveau-nés prématurés subissent pour surveiller leur santé et leur bon développement, une interrogation revient fréquemment durant l’hospitalisation : « mon bébé souffre-t-il ? ». Dans la lignée des soins de développement, de nombreux experts s’intéressent à la douleur des tout-petits nés avant l’heure.

Nous avons eu la chance de rencontrer Vanessa Alix lors du parcours en néonatologie de notre petit costaud. Infirmière en réanimation néonatale, spécialisée dans la douleur de l’enfant et plus spécifiquement du nouveau-né prématuré, Vanessa a accepté de nous partager ses conseils pour accompagner du mieux que nous le pouvons nos mini super héros.

Pouvez-vous nous présenter votre parcours ?

Titulaire du diplôme d’infirmière depuis 2006, j’ai toujours exercé en pédiatrie.

J’ai tout d’abord eu l’opportunité de travailler (en tant qu’étudiante) auprès d’enfants pendant deux étés consécutifs à l’hôpital de Pédiatrie et de Rééducation de Bullion (78).

J’ai ensuite réalisé mes études d’infirmière que j’ai orientées vers la pédiatrie en réalisant des stages en néonatologie, en pédiatrie, ainsi que des modules optionnels pédiatriques et un stage humanitaire à l’hôpital Lagune mère enfant au Bénin.

Mon premier poste était à l’Hôpital de Pédiatrie et de Rééducation de Bullion (qui est un hôpital de long séjour) où j’ai travaillé pendant 5 ans auprès d’enfants âgés de la naissance à 6 ans atteints de pathologie diverses (pathologie digestive, enfant trachéotomisé ventilé, enfant brulé….) j’ai aussi pu réaliser de nombreuses formations sur l’enfant.

Je suis depuis 2012 en réanimation néonatale de l’Hôpital Antoine Béclère de Clamart (92) ou j’ai été référente de l’unité kangourou pendant 2 ans et demi.

J’ai également obtenu un diplôme universitaire (D.U) sur la douleur de l’enfant en pratique quotidienne en 2016 organisé par Pediadol. Grâce à ce diplôme j’ai eu l’opportunité de présenter un travail sur la douleur de l’injection intra-musculaire de vitamine A chez l’enfant prématuré, au sein de différents congrès (société française de pédiatrie à Lyon en 2018, l’International Symposium on Pediatric Pain à Bâle en 2019) et également au CLUD central de l’APHP en 2019.

Depuis que j’ai obtenu le D.U je co-anime un atelier sur la douleur des soins en néonatologie au congrès Pediadol (Congrès sur la douleur de l’enfant).

Vous vous êtes spécialisée dans la douleur du bébé prématuré et des soins en néonatologie, pouvez-vous nous expliquer en quoi cela consiste ?

La prise en charge de la douleur est une priorité pour moi ! Mon mémoire infirmier était sur la prise en charge de la douleur lors de la pose de sonde naso-gastrique chez un enfant de 3 ans. Je suis membre du CLUD (Comité de Lutte contre la Douleur) depuis que je suis diplômée.

Les échelles de douleur et d’inconfort

La douleur chez l’adulte ou l’enfant plus grand est différente à prendre en charge par rapport à celle des nourrissons et des prématurés (ils peuvent évaluer eux même leur douleur : auto-évaluation). Chez les bébés, seules les échelles d’hétéro-évaluation (évaluation par une autre personne que la personne soignée) peuvent être utilisées. J’ai toujours la crainte que celle des tout-petits ne soit « pas vue ». La réanimation est un service particulier, il faut aider les bébés à vivre, pour cela beaucoup d’actes sont réalisés sur ces tout-petits et les protocoles de prise en charge de la douleur du bébé prématuré (médicamenteuse) sont bien respectés mais il y a toujours possibilité de s’améliorer !

En dehors des actes médicaux, il y a tout le quotidien du prématuré à prendre en charge, il existe des échelles de douleur mais aussi d’inconfort, c’est la toute la subtilité. Il faut pour cela une bonne connaissance et une bonne observation du bébé prématuré, tout en respectant son rythme.

Il y a trois échelles couramment utilisées :

  • EDIN (Echelle de la Douleur et de l’Inconfort du Nouveau-né) elle repère la douleur ou l’inconfort « de base », en quottant des items en dehors des soins et pendant les soins sur une période plus ou moins prolongée,
  •  la DAN (Douleur Aigüe du Nouveau-né) utilisée pour évaluer un soin douloureux
  • et les échelles COMFORT (utilisées pour la douleur aigüe et/ou prolongée en réanimation et la profondeur de sédation pour les bébés intubés).

Lors de cette année de formation, j’ai appris les différentes échelles de douleur adaptées aux âges des enfants, mais également les signes de douleur (grimaces, pleurs, crispation, prostration…), les techniques non médicamenteuses et les traitements (plus compliqué à adapter chez les prématurés). Cette année a été très riche en connaissances théoriques mais également humaines. Les formateurs sont des passionnés, tous bienveillants.

Un médecin m’a tout particulièrement marquée, elle m’a beaucoup apporté, tant au niveau connaissance que sur le plan humain ! C’est le Dr Elisabeth Fournier Charrière, elle m’a suivie tout au long de cette année, m’a aidée pour mon mémoire, c’est grâce à elle que j’ai pu présenter mon travail dans différents congrès. J’ai gardé des contacts avec quelques collègues du DU (surtout ceux qui sont en néonat) et chaque année, lors des journées Pediadol je retrouve une partie de l’équipe pédagogique du D.U et nous échangeons régulièrement sur la prise en charge de la douleur.

Former les équipes et échanger pour améliorer les pratiques

Cette formation m’a permis d’avoir un regard aguerri sur la douleur de l’enfant. Grâce à cela, j’essaie de former mes collègues (infirmières, internes, étudiants).

Nous avons également, au sein du service, créé un groupe de travail sur la douleur, qui consiste à réunir plusieurs soignants de l’équipe (infirmière, médecin, cadres, psychologue… ), nous travaillons ensuite ensemble, afin de mettre à jour les protocoles de soins sur la prise en charge de la douleur. Notamment inclure la mise en place de l’emla (crème anesthésiante) pour les injections sous-cutanées et intra-musculaires avec une technique adaptée aux prématurés (éviter les pansements collants et mettre une bande à la place).

Nous avons fait un recueil de données dans le service pour répertorier le nombre de soins par enfant et par jour.

Cela me permet de donner des astuces aux collègues, aux internes, aux étudiants et aux parents : mettre les pipettes d’eau et de sérum physiologiques dans l’incubateur afin de réaliser les soins d’yeux et de bouche à température de l’incubateur, mettre des compresses sur la partie collante du capteur de saturation, réaliser les soins sur le côté pour les aider à soulager les bébés, réaliser les soins à 2, dans l’idéal avec les parents, sinon avec une auxiliaire de puériculture ou une deuxième infirmière.

La prise en charge de la douleur c’est un travail d’équipe !

Pourriez-vous nous en dire plus sur Pediadol et le réseau douleur du prématuré ?

Pediadol

Pediadol est un groupe francophone d’experts composé de médecins et d’infirmières, impliqués sur le terrain pour l’amélioration de la prise en charge de la douleur de l’enfant. Cette association a été créée dans les années 90. Le site pediadol.org réuni toutes les informations (articles, protocoles, traitements, évaluation de la douleur, vidéos…)

Un congrès est organisé tous les ans début décembre, avec une journée plénière et deux jours d’ateliers sur différents thèmes (douleur des soins en néonat, pratique de la voix chantée, les métaphores en hypnoanalgésie, le MEOPA, douleur sévère aux urgences…)

Le réseau douleur du prématuré

Le réseau douleur du prématuré a été créé en 2017 par le groupe douleur de la réanimation néonatale de l’hôpital Antoine Béclère (92), il regroupe des professionnels de santé travaillant autour du prématuré, le but est d’échanger sur nos pratiques afin de les améliorer.

Un thème est lancé en fonction des souhaits de chaque membre, puis chacun nous parle des méthodes de son service, de son avis ou de ses questions.

Quelles actions sont concrètement mises en place dans les services de néonatologie ?

Sucrose et succion non nutritive

Cela permet un effet antalgique avec un contrôle direct sur les voies de la nociception (les voies de la douleur du bébé prématuré) mais également une action calmante grâce à la saveur sucrée.

Soins enveloppés (change, bain…)

L’enfant est mis dans un lange légèrement sur le côté, cela permet de le rassurer, il ne se sens pas perdu. Le prématuré à besoin de sentir « des appuis », dans le ventre de sa maman dès qu’il tendait un bras ou une jambe il touchait la paroi du ventre.

Soins à 4 mains

Le soignant réalise les soins et un des parents ou un deuxième soignant enveloppe l’enfant avec ses mains, cela le rassure et permet une meilleure observation du bébé

Soins faits en peau-à-peau

Cela favorise le lien d’attachement et diminue la douleur du bébé prématuré.

Attendre les parents pour les soins et le 1er bain

Cela permet de rendre leurs compétences aux parents, de soutenir la parentalité, de les accompagner dans leur rôle de parents. 

Mise en place de crème anesthésiante

Pour les injections sous cutanées, intra-musculaire, vaccins… Les vaccins sont réalisés seulement en présence des parents et dans les bras si possible (en fonction des souhaits des parents).

Quelle est la place des parents dans la gestion de la douleur de leur bébé prématuré ?

La place des parents dans la gestion de la douleur de leur bébé prématuré est PRIMORDIALE !

Ils sont acteurs dans le soin, les soins d’un bébé se font à 3 : bébé, infirmière et les PARENTS.

Plusieurs études ont montré l’importance des parents dans la prise en charge de la douleur de leur enfant, les enfants se rappellent de leurs voix (entendu durant toute la grossesse).

Les bébés ont besoin de leurs parents, et les parents de leur bébé ! Ils peuvent leur parler, chanter des chansons, les envelopper lors des soins… 

Avez-vous des projets / actualités dont vous aimeriez nous parler ?

Mise en place d’une box pour les parents, d’atelier de détente pour les parents, de créations (bonnet ou autres) animées par des bénévoles…

Réunion “café parents” pour parler de leur bébé, de leurs difficultés (en tant que parents) mais aussi échanger sur les évolutions positives de leur bébé, le retour à la maison ou toutes autres questions (à la demande des parents).

Enceinte avec clé USB pour enregistrer la voix des parents, mettre de la musique pendant les soins :

Quels conseils souhaitez-vous donner aux parents de bébés prématurés ?

N’hésitez pas à poser des questions !

VOUS êtes les parents, vous venez quand vous voulez, votre présence est indispensable pour votre bébé, votre voix, votre odeur, il vous entend parlez lui ! Il comprend tout ! Chantez lui des chansons, fredonner des refrains ! N’ayez pas peur, c’est votre bébé, tous les gestes que vous ferez délicatement lui feront du bien ! Respectez ses phases de sommeil, profitez de ses phases d’éveil !

Vous avez besoin de lui, il a besoin de vous !

Les parents peuvent-ils contacter directement des ambassadeurs de Pediadol pour poser leurs questions ?

Bien sur, les parents ainsi que les familles peuvent contacter Pediadol à l’adresse suivante :

pediadol@yahoo.fr

Vanessa Alix - Infirmier - hôpital de pédiatrie de bullion | LinkedIn

Un grand merci Vanessa pour ces éclairages et conseils !

Si vous avez des questions ou remarques sur la gestion de la douleur du bébé prématuré, n’hésitez pas à laisser un commentaire sous cet article.

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