Infirmière en néonatologie, Déborah Le Meur fait un constat : les fratries sont les oubliées de la prématurité. Elle décide alors d’écrire Ma courageuse petite soeur  : une histoire dédramatisante et interactive, qui permet à l’enfant d’exprimer ses émotions et de renforcer le dialogue avec ses parents.

Pouvez-vous nous présenter votre parcours ? 

Je suis infirmière depuis 2008. J’ai commencé ma carrière en réanimation néonatale sur un poste de nuit durant 4 ans. Après un congé parental j’ai exercé 2 ans en crèche et je me suis vite rendu compte que la Neonat me manquait. Depuis janvier 2017 j’exerce à Toulon dans le service de Néonatologie et de soins intensifs de l’hôpital Sainte Musse

Pourquoi avez-vous choisi de devenir infirmière puéricultrice ? 

Je n’ai pas passé la spécialité puéricultrice mais j’ai toujours travaillé auprès des enfants . J’ai découvert la Néonatologie durant mes études lors d’un stage .Cela a été une véritable révélation ! Impossible de m’imaginer travailler dans un autre service .

A quoi ressemble le quotidien d’une infirmière en néonatologie ? 

Le quotidien est rythmé par le bébé. Nous essayons au maximum de respecter leurs rythmes et de nous adapter à eux .Nos soins sont très diversifiés . Au quotidien il y a des soins techniques et de confort , l’accompagnement  vers une autonomie alimentaire mais également beaucoup de soutien à la parentalité. Un travail d’accompagnement des parents est primordial pour leur donner dès la naissance leur place de parents. 
Il plane également chaque jour sur le service une notion d’urgence quand l’état de santé d’un bébé se détériore ou quand la naissance est compliquée (prématurité ou naissance difficile ) 

Y-a-t-il eu un/des moments qui vous ont particulièrement marquée dans votre parcours ? 

Oui bien-sûr . Qu’elles soient tristes ou heureuses il y a toujours des histoires et des familles qui nous marquent à vie ! Je ne pense pas pouvoir les citer car elles sont nombreuses et elles m’ont toutes aidée à m’améliorer dans mon travail. C’est un métier riche de belles rencontres

Quelle est votre vision de la prématurité, et de la manière dont elle est comprise et accompagnée aujourd’hui ? 

La Néonatologie a beaucoup évolué ces dernières années . Je pense qu’après une époque où certains ont voulu réanimer de plus en plus tôt il y a aujourd’hui une prise de conscience sur la qualité de vie à offrir à ces bébés. L’émergence des soins de développement a fait évoluer les professionnels. Aujourd’hui les rythmes des bébés sont beaucoup plus pris en considération, on inclut les familles dans la prise en charge, on réduit au maximum les nuisances sonores et visuelles, la douleur est prise en charge , les manipulations des bébés et le posturage sont au centre de nos préoccupations, l’accompagnement vers l’autonomie alimentaire est également une priorité . Nous sommes aidés par différents corps de métier au quotidien dans le service avec la présence de psychologue, kiné, orthophoniste, psychomotricienne …. C’est un métier où il est nécessaire de se remettre en question et d’améliorer ses pratiques .

Qu’est-ce qui vous a amenée à écrire Ma Courageuse Petite Sœur ?

Le livre est né de rencontres avec les familles . Et d’un constat : les fratries sont les grandes oubliées de la prématurité.

Il y a encore beaucoup de services qui n’ouvrent pas leurs portes aux frères et sœurs des bébés hospitalisés. Et les conséquences peuvent  être dramatique. Il faut absolument évoluer sur ce sujet et comprendre que le bébé prématuré fait partie d’une famille et que chaque membre doit être pris en considération. Il est très difficile pour les parents de devoir partager leurs temps entre les aînés et le nouveau né hospitalisé. Et il est très difficile pour les aînés de comprendre la situation si on leur ferme l’accès au service. Un accueil dans le service , la possibilité de voir et de toucher le bébé , de le prendre aux bras si l’enfant est demandeur est vraiment essentiel pour la famille qui doit faire face à la prématurité ! Il faut aider le lien familiale a se créer ! 

Ma courageuse petite soeur


Le livre a pour but de dédramatiser la situation. L’histoire se veut légère et prête même à sourire . Elle se met à hauteur d’enfant, eux qui le plus souvent se moquent des machines et des alarmes ! Ils ne voient que le bébé ! Mais elle ramène aussi à la réalité. Une petite étoile destinée à être coloriée en fonction des émotions ressenties se balade de page en page et pose des questions a l’enfant. Cela permet d’initier le dialogue avec les parents. La prématurité ne doit pas être un tabou au sein des familles .

Comment le livre a-t-il été conçu ?   

L’histoire m’est venu assez naturellement et je l’ai très peu retouchée depuis le ” 1er jet ” . Il a ensuite fallu deux ans de travail pour la voir enfin éditée !! J’ai réalisé une étude de marché , un questionnaire pour enfants , cherché un illustrateur avec qui nous avons beaucoup travaillé et retravaillé sur les dessins ! Je l’ai ensuite fait lire à l’équipe soignante , au psychologue et pédopsychiatre pour valider le projet et améliorer certains points.

La recherche d’un éditeur est aussi une sacré étape , et après plusieurs refus , j’ai recu une proposition d’une maison d’édition locale ! Puis il est venu le début de la commercialisation avec tout le travail de communication.

Le livre est aujourd’hui proposé dans votre service à Toulon. Pouvez-vous nous en dire plus ? 

Le chef de service , Dr Truc a toujours soutenu le projet et m’a encouragé depuis le début ! A la sortie du livre il a commandé 200 exemplaires que nous distribuons actuellement aux fratries dans le service

Quels sont vos projets et vos objectifs pour Ma Courageuse Petite Soeur ?

L’objectif actuel est de faire connaître le livre , en espérant qu’il sera un soutien pour de nombreuses familles. Pour l’instant je me concentre là dessus . Le livre fait partie d’un projet de service plus global qui est l’amélioration de l’accueil des fratries en service de NéonatologieNous souhaitons améliorer notre accueil individuel, et notre salle de jeux déjà existante et nous aimerions proposer un accueil de groupe pour que les enfants se retrouvent dans le service le mercredi. Pour l’instant avec la crise sanitaire nous sommes un peu à l’arrêt… Nous avons participé au concours SOS préma sur ce projet . nous attendons les résultats. J’ai également en tête le projet d’un deuxième livre, mais cela reste à l’état de projet pour le moment ! 

Quels messages et quels conseils souhaiteriez-vous donner aux parents de nouveaux-nés prématurés ? 

De se faire confiance ! Les bébés même nés prématurément ont de grandes  compétences ! Ils ont besoin de soins certes mais essentiellement de la présence de leurs parents ! Il faut essayer d’être présent le plus possible, de faire du peau a peau et de ne pas laisser les machines et l’hospitalisation abîmer ce lien qui se créer. Il ne faut pas hésiter à prendre votre place de parents. 
Concernant les aînés, il est important de parler, de dire la vérité avec des mots adaptés à l’âge de l’enfant. N’hésitez pas a inclure les plus grands en leurs demandant de faire des dessins que vous pourrez mettre dans la chambre du bébé , de choisir un doudou , d’enregistrer des petits messages , de faire des photos…

Avez-vous des projets / actualités dont vous aimeriez nous parler ? 

Nous n’avons pas voulu rester passives suite aux restrictions sanitaires qui nous ont obligé a fermer les portes aux fratries pendant quelques mois . Nous avons proposé aux familles des vidéos personnalisées destinés aux fratries. Ces vidéos présentent le service de façon détaillée et s’adressent directement à l’enfant en l’appelant par son prénom et en lui montrant la chambre de son petit frère ou de sa petite soeur . Vous pouvez retrouver un extrait sur la page Instagram macourageusepetitesoeur.

Un grand merci Déborah d’avoir pris le temps de répondre à nos questions !

Pour en savoir plus, vous pouvez consulter :

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