À l’occasion de la journée mondiale de la prématurité, Charlotte Bouvard, fondatrice de l’association SOS Préma, a pris la parole pour le site Magic Maman : « la présence des parents est absolument indispensable ». Dans cette interview, elle réitère l’engagement consigné dans la charte du nouveau-né hospitalisé en 2021 : la nécessaire présence des parents auprès de leur enfant. Le combat pour obtenir « zéro séparation » lors d’une naissance prématurée s’appuie sur les bienfaits de cet accompagnement parental pour le développement du nouveau-né. Quels sont ces bénéfices scientifiquement prouvés ? Nous évoquons les études qui démontrent toute l’importance du lien entre prématurité et parentalité.
Nous ne sommes ni médecins ni psychologues. Nos contenus ne doivent en aucun cas être considérés comme des avis médicaux. Toute question médicale doit être posée à un médecin.
Sommaire
L’absence de séparation : une base essentielle pour le bien-être de l’enfant
Les conséquences d’une séparation précoce des parents avec leur enfant sont décrites dès le XXe siècle dans la thèse du psychiatre et psychanalyste britannique, John Bowlby. La proximité physique et la disponibilité psychique de la figure d’attachement apparaissent comme les deux facteurs indispensables au bon développement du nouveau-né.
Dans les années 1970-1980, les premières études sur l’implication des parents, les notions de soins de développement et de soins centrés sur la famille apparaissent. Le programme NIDCAP (Neonatal individualized developmental care and assessment program) apporte une nouvelle pierre à l’édifice en plaçant les parents comme corégulateurs de l’enfant.
Dès lors, ils deviennent des partenaires de l’équipe soignante avec une posture active, et non plus passive. L’étude d’Orterstand de 2010 montre même qu’une présence continue des parents auprès de leur petit·e costaud diminue la durée d’hospitalisation de 10 jours en moyenne.
Dans un post consacré à ce sujet, Laure, co-fondatrice de Petit mais Costaud, déclare :
« lorsque notre fils avait des soins ou examens désagréables voire douloureux, nous constations systématiquement l’effet réconfortant de notre voix, de nos mains, de notre présence. »
L’implication du modèle scandinave dans la prise en charge des prématurés offre une vision des nouveautés envisageables dans le monde de la réanimation néonatale. D’après la thèse de Apolline Rolland, une comparaison de l’étude EXPRESS en Suède et EPIPAGE-2 en France montre que :
« [une] approche autour de la famille serait à l’origine de meilleurs pronostics à court et moyen terme pour les extrêmes prématurés, notamment sur le sevrage en oxygène et la durée d’hospitalisation. »
La présence des parents : les bienfaits pour votre nouveau-né prématuré
Le pouvoir de votre voix
Même si après sa naissance les organes de votre petit·e costaud continuent de croître, ses sens apparaissent fonctionnels dès 24 semaines d’aménorrhée. Comme le montrent les travaux de doctorat de Maude Beauchemin dirigés par la professeure Maryse Lassonde du Département de psychologie, le cerveau d’un nouveau-né fait la distinction entre un « a » prononcé par sa maman et la même voyelle énoncée par une voix féminine étrangère.
D’après une étude de Schwab, J.F. et C. Lew-Williams, la variété et la richesse du vocabulaire, les encouragements et les commentaires positifs participent à un meilleur développement du langage. Ces données expliquent en partie pourquoi la lecture à l’hôpital présente tant d’avantages.
Une autre étude du Dr Manuela Filipa (CHU de Genève) révèle combien une stratégie de soins basée sur la voix sert à favoriser le développement positif du cerveau. La chercheuse affirme que les bénéfices constatés fonctionnent avec la voix des deux parents qui joue dès lors « un rôle fondamental dès les premières heures de la naissance d’un enfant avant terme. »
Par ailleurs, une autre étude de l’Université de Genève sur l’effet modulateur du contact vocal précoce maternel sur la douleur ressentie par l’enfant prématuré atteste de l’effet analgésique de la voix pendant une intervention douloureuse.
Le réconfort du peau à peau
Le peau à peau consiste à porter votre bébé nu, avec une couche, contre votre poitrine. Cette pratique, en plus de construire un lien fort entre vous, propose de nombreux effets bénéfiques reconnus scientifiquement :
- meilleure oxygénation du sang et du cerveau, contribuant ainsi à une diminution des apnées et des bradycardies (Korraa 2014, Begum 2008, Carbasse 2013, Marvin 2019) ;
- synchronisation thermique avec la température cutanée du porteur, favorisant ainsi la thermorégulation du nouveau-né (Ludington-Hoe, 2006, Cattaneo 1998, Bergman 2004, Mori 2010) ;
- accroissement de la substance blanche et grise du cerveau du bébé (Nathalie Charpak et al., janvier 2022) ;
- stimulation des compétences orales du bébé (Nyqvist 2008, 2009, Lau 2012) ;
- accompagnement de la lactation chez la mère allaitante (Cattaneo 1998, Charpak 2001, Boundy 2016, Nyqvist 2008, Boundy 2016, Silva 2016).
Dans une étude de Ferldman portant sur les effets à long terme du portage, les bébés ayant bénéficié de la pratique du peau à peau présentaient un meilleur fonctionnement physiologique, moins de symptômes de stress, une plus grande qualité de sommeil et un attachement sécurisé avec leurs parents.
Par ailleurs, l’Organisation Mondiale pour la Santé (OMS) recommande d’initier le peau à peau dès les premières minutes de vie, y compris lorsque le nouveau-né dispose d’une assistance respiratoire.
Les soins de développement mettent également en avant la place prépondérante des parents, notamment à travers la pratique du peau à peau. En moyenne, l’application des soins de développement abaisse de 5,3 jours la durée d’hospitalisation, en plus de contribuer à l’amélioration du développement du nouveau-né.
Le soutien de l’allaitement maternel
Le lait maternel avec ses composants lipidiques, protidiques et glucidiques apporte à la fois des facteurs antimicrobiens et des facteurs de croissance (Anderson et al., 2002). D’après le dossier sur l’allaitement maternel et la prématurité publié dans la revue Spirale, la composition du lait comble ainsi les besoins nutritionnels essentiels au nouveau-né prématuré.
Marie Tessier, infirmière puéricultrice en réanimation néonatale, diplômée en lactation humaine et allaitement maternel, développe ces bienfaits dans notre interview :
« Le lait maternel diminue les risques infectieux, particulièrement ceux digestifs graves (entérocolite), mais également les rétinopathies sévères, les ré-hospitalisations dans la première année de vie et surtout il permet un meilleur développement neurodéveloppemental sur le long terme. »
Néanmoins, nous souhaitons rappeler que l’allaitement ne va pas de soi, d’autant plus dans l’environnement hospitalier avec un bébé prématuré qui ne peut pas téter tout de suite. L’apprentissage demande de l’aide, du temps et de la persévérance. Quels que soient votre choix ou vos possibilités, souvenez-vous que votre amour ne se résume pas à votre lait.
Prématurité et parentalité : l’état des lieux en France
Si le rôle clé des parents auprès de leur enfant pendant une hospitalisation n’est plus à démontrer, son application dans les services reste inégale. En effet, malgré l’investissement des soignants, les moyens manquent souvent pour fournir un cadre sécurisant pour la création du lien parent-enfant.
Nous vous parlions récemment des difficultés que rencontrent aujourd’hui les services. Elsa Kermorvant, vice-présidente de la SFN et chef adjointe de service à l’hôpital Necker, aborde cette problématique dans le journal Le Monde :
« On joue sans arrêt aux chaises musicales pour répartir les nouveau-nés qui en ont besoin, on fait sortir un bébé de réanimation plus vite qu’on ne le voudrait, on transfère vers d’autres hôpitaux… Mais ce n’est pas possible de décaler des naissances quand elles arrivent à terme. »
Dans son interview pour le site Magic Maman, Charlotte Bouvard s’inquiète également de la situation préoccupante en néonatalogie :
« Actuellement, la prise en charge des bébés prématurés est inadéquate et disparate dans la plupart des services de néonatologie en France ».
Accompagner les parents pour mieux prendre en charge les nouveau-nés
Une naissance prématurée plonge les parents dans un tourbillon déconcertant et imprévisible. Rien ne prépare à un univers médicalisé ni aux examens intensifs. L’expérience s’apparente souvent à un stress post-traumatique, un événement dont la complexité se diffuse sur plusieurs années. Si le vécu de chaque naissance est unique, la nécessité d’être soutenu et épaulé relie toutes les histoires de prématurité et de parentalité.
L’intérêt porté à l’état émotionnel et à la santé des parents contribue à mieux soutenir le nouveau-né dans son combat à l’hôpital. Plusieurs études mettent en évidence l’importance d’évoluer dans un environnement « humanisé » dans lequel les parents peuvent interagir avec leur enfant et où ce dernier pourra recevoir des soins individualisés. Le soutien apporté aux familles représente un enjeu tant pour le développement du nouveau-né prématuré que pour la santé psychique des parents.
Dans cette optique, nous avons consacré trois articles pour aider les parents de bébés prématurés à la naissance, soutenir la famille pendant l’hospitalisation et accompagner le retour à la maison.
Si vous en doutiez encore, cet article est votre rappel pour prendre confiance en vous, en votre rôle clé de parents pour vos mini super-héros et super-héroines. Votre présence est essentielle pour les aider dans leur combat pour la vie. Pour vous épauler, vous encourager, vous renseigner et vous réconforter, nous avons conçu un guide sur la prématurité et la parentalité. Nous espérons qu’il vous apportera des réponses aux questions que vous vous posez et un soutien.
Et vous, avez-vous constaté l’effet apaisant de votre présence sur vos petit·e·s costauds né·e·s trop tôt ? Vous pouvez nous partager votre expérience sur notre page contact, en message privé sur nos réseaux sociaux (Facebook et Instagram) ou dans les commentaires de cet article.
Sources :
- Claire Schneider, Charlotte Bouvard : “Le peau à peau est un médicament pour les bébés prématurés”, Magic Maman ;
- Dossier Inserm, Prématurité, des bébés qui arrivent trop tôt ;
- SOS Préma, Les bénéfices du peau à peau ;
- Isabelle Glorieux, Nathalie Montjaux, Marie-Claude Bloom, Charlotte Casper, Quels sont les bénéfices de l’implication précoce des parents en néonatologie : le point de vue des parents, Devenir, 2012/1 (Vol. 24), p.45 à 53 ;
- Apolline Rolland. L’accompagnement des parents des nouveaux-nés extrêmes prématurés en milieu hospitalier : état des lieux et axes d’amélioration. Gynécologie et obstétrique. 2022. dumas-04026640 ;
- Margaux Raulin. Le lien d’attachement parents-enfant en néonatalogie. Pédiatrie. 2020. dumas-03182283 ;
- Schwab, J.F. and C. Lew-Williams, Language learning, socioeconomic status, and child-directed speech. Wiley Interdiscip Rev Cogn Sci, 2016. 7(4): p. 264-75 ;
- Feldman, R., et al., Maternal-Preterm Skin-to-Skin Contact Enhances Child Physiologic Organization and Cognitive Control Across the First 10 Years of Life. Biol Psy, 2014. 75(1): p.56-64.
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