Nombre de lits insuffisant, taux d’occupation élevé, personnel en sous-effectif… Ce constat n’est pas l’écho d’un lointain souvenir lié à la crise du Covid-19, mais bien l’état actuel et préoccupant des unités de néonatalogie en France. Augmentation de la mortalité infantile, manque de moyens pour assurer les recommandations des soins de développement, conditions de travail déplorables pour des équipes médicales investies et surmenées… Révélée dans un rapport de la Société Française de Néonatologie (SFN), cette réalité est le quotidien des services qui prennent en charge nos nouveau-nés en danger vital à leur naissance ou nécessitant une surveillance continue. Quels sont les enjeux de ces tensions en néonatalogie et comment y faire face ? Nous essayons de le comprendre dans cet article.

Tensions en néonatalogie : un service à bout de souffle.

Nous ne sommes ni médecins ni psychologues. Toute question de santé doit être posée à un professionnel. Cet article a pour objectif de sensibiliser sur la situation préoccupante des services de néonatalogie en France.

Les soins critiques en néonatalogie : une saturation inquiétante

Le 9 octobre 2023, le journal Le Monde diffusait les conclusions d’un audit réalisé par la Société Française de Néonatologie (SFN). Cet état des lieux porte sur la qualité des soins et la sécurité des nouveau-nés malades ou vulnérables requérant des soins critiques en France en 2023. Deux enquêtes ont ainsi été menées auprès de plus de 80 % des services qui disposent de soins intensifs et réanimation (type 3). Les constats sont alarmants : 

  • la mortalité néonatale augmente depuis 10 ans, plaçant la France, anciennement au 3e rang européen, à la 20e position ;
  • le premier mois de vie concentre 74 % des décès, contre 65 % en 2005 ;
  • le taux d’occupation dépasse 95 % dans près de la moitié des unités, révélant à la fois une capacité d’accueil insuffisante, mais aussi une répartition inégalitaire sur le territoire ;
  • près des ¾ des services peinent à assurer la permanence des soins, si bien que 80 % des pédiatres néonatologistes dépassent la durée légale maximale de travail hebdomadaire ;
  • le personnel soignant, notamment infirmier, manque d’ancienneté et de formation initiale à la pédiatrie et la néonatalogie.

Toutes ces constatations dramatiques vont à l’encontre des soins de développement et de l’objectif de « zéro séparation » préconisés par les recherches scientifiques. La SFN lance un appel d’urgence : réviser l’organisation des soins critiques en néonatalogie sans attendre. 

Les indicateurs sont au rouge, pourtant les regards se détournent, au grand désespoir de Charlotte Bouvard, présidente du Collectif Prématurité, directrice-fondatrice de l’association SOS Préma, qui partage sur LinkedIn un cri du cœur : 

« Nos enfants sont les adultes de demain. Les ignorer c’est l’attitude épouvantable du “Après moi le déluge”. Qui aura le courage d’une politique de santé responsable ? Toutes les sociétés savantes et les associations professionnelles de la périnatalité s’époumonent, avec nous. En vain. 

Alors qui ? Qui va prendre le sujet ? Le remaniement prendra-t-il en compte nos plus petits ? Gabriel Attal, nous attendons beaucoup de vous. Aurez-vous l’impertinence de la jeunesse nécessaire à des changements profonds ?

PS : Adrien Taquet, revenez SVP, vous aviez compris, vous. »

Adrien Taquet, la SFN et SOS Préma se trouvent à l’initiative de la charte du nouveau-né hospitalisé publiée à l’occasion de la Journée Mondiale de la Prématurité en 2021. Constituée de 10 besoins essentiels, elle s’inscrit dans la continuité du parcours des 1 000 premiers jours mis en place par le président de la République en 2019.
Soins de périnatalité en France : un constat alarmant.

Quand le manque de moyens impacte la relation parent-enfant à l’hôpital : la face immergée de l’iceberg

Comment assurer des soins de qualité lorsque le temps et la place sont comptés ? Désœuvrés et épuisés, les soignants agissent comme ils peuvent pour combler les vides. Seulement, la volonté du personnel médical suffit rarement à pallier un défaut de matériel

Elsa Kermorvant, vice-présidente de la SFN et chef adjointe de service à l’hôpital Necker, se confie à ce sujet au journal Le Monde :

« On joue sans arrêt aux chaises musicales pour répartir les nouveau-nés qui en ont besoin, on fait sortir un bébé de réanimation plus vite qu’on ne le voudrait, on transfère vers d’autres hôpitaux… Mais ce n’est pas possible de décaler des naissances quand elles arrivent à terme. »

Si le manque de moyens déstabilise l’accompagnement hospitalier dans de bonnes conditions, il fragilise également l’équilibre des familles. Plongés dans un contexte anxiogène, les nouveaux parents peinent à trouver leur place aux côtés de leur bébé. Inquiets et submergés, il leur faut aussi composer avec l’incertitude de la disponibilité d’un lit ou de matériel. 

Laure, co-fondatrice de Petit mais Costaud, relayait le manque de transats pour faire du peau à peau sur les réseaux sociaux : 

« La semaine dernière, nous avons échangé avec cette super maman, qui nous partageait le manque important de transats dans la néonat où était hospitalisée sa fille, et en conséquence, les moments de peau à peau volés. Dans un service accueillant 28 lits pour nos petit·e·s costauds, seuls 11 transats étaient disponibles pour le peau à peau. »

Quand nous connaissons l’importance de cette pratique pour créer un lien d’attachement et rassurer nos tout-petit·e·s, son absence ou son refus paraît insensible… Pourtant, malgré toute la bienveillance du personnel soignant, ils ne peuvent pas combler un problème structurel plus profond.

Face à ce douloureux message, vous avez été plusieurs à nous partager vos expériences de moments manqués, de câlins perdus, faute de temps et de moyens : 

« On a vécu la même chose pour notre fille. Ils disaient priorité à l’allaitement. Ça me rendait folle ! Je voulais allaiter mais je n’ai pas pu. Donc à chaque fois on se battait pour avoir un siège. C’est pas normal… »

« 3 ou 4 fauteuils en état correct pour une dizaine de chambres doubles. C’était ma hantise en arrivant le matin, de devoir gérer l’inconfort d’un fauteuil vétuste alors que j’avais déjà le dos complètement verrouillé à cause du stress et le bas ventre douloureux avec ma césarienne. »

Soins critiques en néonatalogie : état des lieux en France.

Réorganiser les soins de périnalité : plus qu’une nécessité, une question de sécurité

L’état de santé des nouveau-nés en soins critiques, des familles et des soignants n’a rien d’un simple fait divers. Chaque jour à l’hôpital, le manque de moyens se traduit par des conséquences brutales et désastreuses. La gravité de la situation demande une réaction à la hauteur pour soutenir pleinement les projets de naissance.

Après la publication du rapport sur les chiffres de la périnatalité en France, l’association SOS Préma a partagé un post sur LinkedIn pour évoquer des solutions et protéger au plus vite les familles : 

« Il est urgent, pour une meilleure sécurité des mères et des bébés, de réorganiser les soins de périnatalité : fermeture des petites maternités, renforcement des grandes structures (au niveau architectural, pratiques, matériel et humain pour que différents niveaux de soins soient présents et attenants aux plateaux techniques) et développement des CPP (centres de périnatalité de proximité) pour le suivi des grossesses et les suites de couche.

Alors, en effet, ce n’est pas populaire de fermer la petite maternité du coin à laquelle on est si attaché, mais il en va de la sécurité des mères et des nouveau-nés. »

Une autre lueur d’espoir se dessine pour faire face à l’urgence : l’hospitalisation à domicile. Nous vous avions parlé de cette expérimentation au moment de son lancement en France en avril 2022, sous l’inspiration du modèle suédois. Lorsque l’état de santé le permet, le suivi du nouveau-né se réalise dans le cadre sécurisant et réconfortant du cocon familial. Les parents sont invités à prendre plus spontanément leur place auprès de leur bébé, dans un environnement plus serein et moins bruyant.

Replacer les parents au cœur des soins constitue un objectif en accord avec les soins de développement et le programme NIDCAP (Neonatal Individualized Developmental Care Assessment Program). S’il faut encore attendre plusieurs années avant de découvrir le résultat de cette expérimentation, les premiers retours semblent néanmoins encourageants.

Face aux tensions en néonatalogie et à un état « très préoccupant », une révision de l’organisation des soins critiques doit s’organiser sans tarder. Nous nous mobilisons pour que cet appel soit entendu et pris en compte, que la Direction Générale de l’Offre de Soins rouvre les discussions avec la SFN et que des Assises de la Parentalité soient planifiées, comme le réclame Charlotte Bouvard dans une récente tribune pour le journal Le Monde. Si vous souhaitez donner du matériel, contribuer à en acheter, soutenir une association spécialisée dans la prématurité, n’hésitez pas à vous adresser à une structure proche de chez vous ou à nous contacter

Avez-vous constaté le manque de lit et de soignants lorsque votre bébé était en néonatologie ? Nous serions heureux de recevoir votre témoignage sur notre page contact, en message privé sur nos réseaux sociaux (Facebook, Instagram, LinkedIn) ou dans les commentaires de cet article.

Sources

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