Vous-êtes-vous déjà demandé comment vous appreniez à parler ? Comment fait un bébé, dès le plus jeune âge, pour décoder nos paroles et faire sens du charabia qu’il entend ? A quel âge comprend-il le sens des mots, appréhende-t-il la syntaxe et développe-t-il son vocabulaire ?

Vous serez surpris de découvrir dans cet article que nos enfants apprennent très tôt le sens des mots ainsi que les règles de grammaire complexes, et vous en déduirez des pistes concrètes pour les accompagner dans leur apprentissage.

Comment bébé apprend-il à parler

Comment bébé apprend à parler ? 

Une croyance tenace est que l’on apprend le sens des mots lorsqu’on associe un mot que l’on entend à un objet que l’on nous désigne. Mais s’il était indispensable que l’on nous désigne l’objet pour apprendre le mot associé, comment expliquer qu’une personne aveugle puisse découvrir le sens des mots ?

La réalité pour que nos bébés apprennent à parler est plus complexe que cette hypothèse certes logique mais désavouée par les neurosciences.

Nos bébés sont des linguistes nés

En 1990 déjà, la professeure de psychologie et de linguistique Lila Gleitman expliquait que la “structure syntaxique” permettait aux enfants de découvrir le sens de nouveaux mots.

Concrètement, toute phrase que nous prononçons peut être découpée en plusieurs morceaux (vous savez, ce fameux “sujet – verbe – complément”).

Plus particulièrement, les phrases comportent souvent d’une part un nom, et d’autre part un verbe.

Exemple : le petit garçon ferme la porte. Nous avons ici deux noms : le petit garçon, et la porte, et un verbe, “ferme”.

Cette phrase comporte également ce que les linguistes appellent des “morphèmes grammaticaux”. Ce sont tous les petits mots comme “le”, “la”, “des”, “sur”, “en”.

Plusieurs études ont démontré que dès avant un an, nos bébés identifient ces “morphèmes grammaticaux” ! Alors qu’ils ne savent pas encore parler, ils comprennent déjà de manière fine la structure d’une phrase !

Apprendre le langage grâce à la prosodie

La prosodie, c’est la musicalité de la langue ! 

Plus prosaïquement, la prosodie est le rythme et l’intonation avec lesquels nous prononçons les phrases. Concrètement, ce sont le ton, les pauses et les reprises que nous faisons à l’oral qui nous permettent de comprendre quels mots sont sujet, verbe ou complément. C’est également la prosodie qui nous permet de distinguer le sens d’une phrase ambigüe, comme par exemple :

  • Pierre dit à Paul qu’il est en forme ⇒ Paul est en forme
  • Pierre dit à Paul qu’il est en forme ⇒ Pierre est en forme

La lecture seule de ces phrase ne permet pas d’en distinguer avec certitude le sens. 

En quoi cela nous intéresse-t-il pour comprendre comment nos bébés apprennent à parler ?

Il se trouve que nos chers bambins perçoivent et exploitent la prosodie des phrases avant l’âge de 6 mois !

Grâce au docteur en sciences cognitives Alex de Carvahlo et son équipe, nous pouvons même aujourd’hui affirmer que dès 18 mois, la prosodie (l’intonation et le rythme) de la phrase que l’enfant entend lui permet de déduire le sens d’un mot – qu’il s’agisse d’un verbe ou d’un objet (ou encore d’un animal) !

Comment ont-il pu démontrer cela, particulièrement chez de tous jeunes enfants qui ne savent pas encore parler ? 

La bamoule doripe : comment bébé apprend à parler !

Parmi les différentes expériences – toutes convergentes – qu’ils ont proposées à différents groupes d’enfants âgés de 18 mois à 5 ans, voici celle que nous trouvons la plus instructive, et la plus ludique :

Les chercheurs ont créé deux vidéos :

  • Dans la première vidéo, un pingouin sautait en boucle : l’objectif de cette vidéo était de désigner l’action de sauter
  • Dans la seconde vidéo, le pingouin tournait sur lui-même lentement : l’objectif de cette vidéo était de désigner le mot pingouin

Ils ont ensuite déterminé deux mots imaginaires : l’un correspondant à sauter  (“Doriper”) et l’autre à pingouin (“Bamoule”).

Ils ont alors fait regarder les vidéos aux enfants. Lorsque la première vidéo était passée, une voix off prononçait des phrases comme “Elle doripe. Regarde comme elle doripe” ; quant à la deuxième vidéo, elle était accompagnée de phrases comme “Ceci est une bamoule ; regarde la bamoule”. Les enfants regardaient ces deux vidéos jusqu’à en avoir marre, ce qui les habituait à l’association des phrases (et de leur sens) avec les vidéos. 

Tout l’intérêt du protocole est alors d’observer la réaction des enfants lorsque l’on inverse l’association phrase / vidéo.

Concrètement :

  • Les enfants regardaient dans un deuxième temps la vidéo 1, où le pingouin sautait, tout en entendant cette fois la phrase. “Ceci est une bamoule ; regarde la bamoule”. Aucun trouble chez les enfants n’était repéré à ce stade, ce qui est normal car il y avait bien une “bamoule” à l’écran.
  • En revanche, lorsque les enfants regardaient ensuite la vidéo 2, présentant simplement le pingouin, tout en entendant “Elle doripe. Regarde comme elle doripe”, les chercheurs ont pu constater la surprise des enfants, car la “bamoule” de la vidéo ne “doripait” pas (= ne sautait pas).

Ainsi, non seulement les enfants, avant 18 mois, sont capables de comprendre la syntaxe des phrases et de faire la distinction entre un verbe et un nom, mais qu’ils arrivent également à apprendre le sens de nouveaux mots grâce à la manière dont nous parlons, et à la compréhension des mots grammaticaux

L’histoire ne dit pas si ces enfants sont toujours convaincus de l’existence des bamoules, qui doripent gaiement sur la banquise…

Il a aussi été montré grâce à l’enregistrement de l’activité neuronale d’enfants de 2 ans qu’ils repèrent les erreurs de syntaxe que nous faisons ! Il est donc temps de ressortir votre bescherelle !

Conclusion : apprendre à parler à nos bébés

Si nous avons tous répondu aux gazouillis et autres “ba-ba / ta-ta” de nos petits monstres par des onomatopées toutes aussis élaborées – et cela a des intérêts réels en terme d’interaction – il est tout aussi important de parler de notre voix d’adulte à nos enfants. Bien sûr, avec des phrases à la complexité limitée dans un premier temps : relativement courtes et plutôt tournées au présent (épargnons leur quelques années encore l’apprentissage de l’imparfait du subjonctif !). Les mots utilisés doivent être variés. Comme le dit le pédopsychiatre Patrick Ben Soussan pour conclure : “Les parents doivent apprendre à dire les choses simplement mais de manière intelligente, en cohérence avec le développement de l’enfant”.

Tout un programme !

Comment bébé apprend à parler : sources

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