Après une naissance prématurée, la décision d’agrandir sa famille n’est pas prise à la légère. Une nouvelle grossesse s’accompagne souvent de précautions, parfois de concessions, au regard de cette première expérience. En plus des inquiétudes qui se multiplient, il faut aussi trouver les mots pour expliquer aux plus grands la situation, lorsque maman doit rester allongée et qu’elle peut retourner à l’hôpital à tout moment. Comment ne pas inquiéter votre enfant alors même que vos émotions débordent sûrement ? Est-il nécessaire d’adoucir la réalité ? Comment continuer à passer du temps de qualité malgré les contraintes de l’alitement ? Dans cet article, nous vous proposons des pistes pour expliquer le risque d’accouchement prématuré aux aîné·e·s grâce aux témoignages de Marion, maman de 2 petits costauds nés avant terme et Laure, maman d’un petit costaud né à 29SA et enceinte de son 2e enfant.

Expliquer le risque d’accouchement prématuré aux aîné·e·s.

Nous ne sommes ni médecins ni psychologues. Nos contenus ne doivent en aucun cas être considérés comme des avis médicaux. Toute question médicale doit être posée à un médecin.

Accepter la possibilité d’une nouvelle hospitalisation

Lors d’une première naissance prématurée, l’hospitalisation représente un monde inconnu et déroutant. En tant que parents, nous sommes déboussolés par un protocole médical que nous parvenons difficilement à comprendre et par le bouleversement émotionnel de cette naissance avant terme. Si ce dernier aspect ne change pas lors d’une nouvelle grossesse, votre appréhension de l’univers néonatal n’a plus la même résonance. 

Malgré le soutien inconditionnel des soignants, le parcours de la prématurité reste éprouvant physiquement et mentalement. Séverine Prat qui nous accompagne sur Petit mais Costaud évoque souvent la notion de marathon pour décrire l’effort de longue haleine nécessaire pour traverser cette épreuve.

Pour une nouvelle grossesse, nous n’avons plus à souffrir du grand plongeon vers l’inconnu, puisque nous avons déjà vécu une naissance prématurée. Cependant, l’inquiétude continue pour la santé de notre bébé demeure et la perspective de revivre ce passé souvent douloureux inquiète profondément, comme en témoigne Laure :

« Étant donné ce que nous avons traversé quelques années plus tôt, certaines angoisses apparaissent dès les premiers instants de cette nouvelle grossesse. Nous avons alors pleinement conscience du chemin parcouru, des épreuves traversées et il est difficile de se lancer à nouveau dans une grossesse tout en connaissant les risques. Nous avons d’ailleurs attendu 3 ans avant de concrétiser le projet d’agrandir notre famille. Nous avions besoin de temps pour encaisser ce que nous avons enduré et pour nous assurer que notre petit costaud soit un peu plus autonome. Quand j’ai appris que j’étais enceinte, en attendant le rendez-vous de datation, le stress était à son comble. Cette fois, je voulais que mon corps garde mon bébé au chaud. C’est incroyable comme la culpabilité ressurgit rapidement. »

Marion partage également ses ressentis au moment où elle a appris sa seconde grossesse :

« Quand j’ai compris ce qui se passait, j’angoissais pour moi, mais aussi et surtout pour ma fille parce que j’allais devoir lui demander de grandir plus vite que ce qu’elle devrait. »

Avant de communiquer les risques liés à cette nouvelle grossesse à vos aîné·e·s, il est essentiel de prendre le temps d’accepter la situation de votre côté. Vous traversez probablement un raz-de-marée émotionnel et vous avez besoin, dans un premier temps, de ménager un espace pour vous, notamment pour communiquer vos ressentis. 

Pour cela, vous pouvez vous entourer de personnes de confiance avec lesquelles partager vos craintes et vos pensées : l’équipe médicale du service de néonatologie de votre premier enfant, les associations consacrées à la prématurité, les groupes de parents ayant vécu le même parcours que vous, les professionnels de santé, les accompant·e·s périnatal·e·s, votre entourage, vos ami·e·s ou votre famille.

Expliquer le risque d’accouchement prématuré aux aîné·e·s sans inquiéter.

Expliquer le risque d’accouchement prématuré aux aîné·e·s sans inquiéter

S’appuyer sur des éléments concrets et observables

Vous l’avez remarqué, nos enfants sont de fins observateurs. Même s’ils ne peuvent pas comprendre en profondeur les causes derrière les symptômes, ils décèlent les différences dans votre activité, dans votre apparence ou dans vos humeurs

Au lieu de masquer ces changements pour éviter qu’ils ne soient perçus par vos plus grands, vous pouvez vous appuyer dessus pour parler de la situation et que votre enfant dispose d’éléments tangibles pour comprendre. En fonction de l’âge de vos aînés, ces explications pourront gagner en précision et en détail. Ainsi, la fatigue, le teint pâle, la réduction de l’effort physique, de l’activité ou les contractions font partie des mentions que vous pouvez faire. 

Marion explique comment le fait de sentir une contraction a permis à sa fille de 5 ans d’envisager son état et d’accepter son alitement : 

« Ma fille a mis du temps à comprendre, elle voulait toucher mon ventre pour sentir son petit frère. Je l’ai laissé faire quand elle en avait envie. Elle a senti mon ventre devenir dur sous l’effet de la contraction et là elle a compris que quelque chose n’allait pas : “pourquoi ton ventre est aussi dur maman ? Ce n’est pas mon petit frère ?”. 

Son inquiétude était que son frère fasse du mal à maman. Il a fallu lui faire comprendre que ce n’était pas le cas. Ce n’est pas facile d’expliquer à 5 ans que c’est l’utérus de maman qui se contracte, c’est des notions compliquées à cet âge-là. Il faut bien choisir ses mots, mais ne pas être trop évasive non plus. »

Parfois, les termes manquent pour décrire de façon simple et sécurisante une grossesse à risque. Cette discussion peut s’échelonner en plusieurs fois pour laisser le temps à votre enfant d’intégrer cette nouvelle réalité. Pendant ce laps de temps, votre petit·e costaud aura sûrement des questions et vous pourrez l’inviter à les poser, à son rythme.

Autant que possible, essayez de détailler les événements. Dans notre article sur les modes de garde ou le fait de laisser pour la première ses enfants à des proches, nous abordions déjà l’utilité de présenter les changements à venir pour que les enfants puissent mieux les appréhender le moment venu. En expliquant à l’avance le déroulé d’une journée ou d’une semaine, votre petit·e costaud dispose d’une vision rassurante et bénéficiera d’outils pour anticiper : « maman ne pourra pas venir te chercher à l’école, ce sera papa/mamie/papi/nounou qui viendra ce soir » ou « maman ne pourra pas venir en vacances au ski comme elle le fait d’habitude », comme ce fut le cas pour Laure :

« Dès que nous avons appris ma grossesse à notre petit costaud, nous lui avons expliqué naturellement les choses (autant que possible !). Et notamment qu’avec ce petit bébé dans mon ventre, il y a des choses que je ne pourrais plus faire jusqu’à sa naissance, comme le porter, courir avec lui dans le jardin, faire du vélo, partir en vacances, l’accompagner à l’école… Il a été incroyable et s’est rapidement adapté à ce nouveau rythme avec moi : on fait les câlins sur le lit ou sur le canapé, mais plus porté dans les bras, on joue aux jeux de société sur le lit ou dans le canapé, mais on ne chahute plus, on lit beaucoup de livres… »

En plus des modifications dans la routine de vos aîné·e·s, vous aurez besoin d’aborder un autre moment essentiel et redouté lors d’un risque d’accouchement prématuré : celui de l’hospitalisation avant terme. Marion explique comment elle a procédé avec sa fille : 

« Je lui ai dit : il est possible qu’un matin tu te réveilles et que maman ne soit pas là. Tous les matins, elle ouvrait la porte pour voir si j’étais partie. Je n’ai pas voulu lui mentir, j’ai préféré ne pas tourner autour du pot et utiliser des mots simples : maman elle a un bébé dans le ventre, il va bien, mais le corps de maman c’est plus difficile, il ne réagit pas très bien. Pour l’aider à comprendre, on l’a amené à l’hôpital une fois lorsqu’on a appris le sexe du bébé. Elle a pu découvrir comment c’était, que le trajet jusqu’à l’hôpital n’était pas trop loin de la maison, elle a aussi pu rencontrer le gynéco qui allait m’accoucher. On a voulu l’amener pour que ce soit plus concret. »

Tout comme la description de votre état avec des symptômes visibles pour vos plus grands, le fait de comprendre l’environnement dans lequel vous serez peut-être amenés à rester permet de rassurer votre enfant. En anticipant cette visite, le personnel médical et votre gynécologue pourront aussi vous accompagner et trouver d’autres mots pour aider vos aîné·e·s à comprendre la situation. De cette manière, si le jour de l’hospitalisation survient, ce ne sera pas une surprise pour votre enfant.

Aborder le sujet dans un moment calme

En plus de la manière d’aborder le sujet, l’endroit et le moment présentent aussi une importance. Si vous discutez de votre possible absence dans les prochaines semaines après un après-midi difficile à l’école, il y a des chances pour que les émotions de votre enfant soient décuplées, qu’il reçoive mal la nouvelle ou ne la comprenne pas. 

Il n’y a bien sûr pas de période parfaite, néanmoins, si cela vous est possible, préférez un instant tranquille en famille où vous n’êtes pas pressé par le temps, par les tâches à venir ou l’heure du coucher imminente.

Éprouver de la bienveillance face aux émotions

Pendant votre grossesse, vous serez probablement bouleversée par vos émotions et il n’y a rien de plus normal. Même si vous chercherez sûrement à les contenir devant votre petit·e pour l’affecter le moins possible, elles sont parfois difficilement contrôlables comme l’indique Marion : 

« J’ai fait comprendre à ma fille qu’elle allait devoir gagner en autonomie, que maman était là, mais qu’elle allait devoir apprendre à faire des choses toute seule. Elle n’a pas compris tout de suite, elle m’a répondu “mais pourquoi maman, t’es à la maison ?”. 

Ce n’est pas simple à expliquer, parce que même moi j’avais du mal à mettre des mots dessus. Il faut passer le choc de devoir rester 4 à 5 mois sur son canapé. Psychologiquement, je n’allais pas bien, ce n’était pas évident de ne pas mettre d’émotions dans les explications, de ne pas montrer de l’inquiétude. »

Si vous sentez que ce que vous traversez vous dépasse, que vous ne parvenez pas à en parler à votre entourage ou à vous décharger de votre culpabilité, vous pouvez prendre rendez-vous avec un·e psychologue. De nombreux professionnels·les acceptent de mener des séances à distance et vous pouvez même bénéficier d’un remboursement sous certaines conditions. Ce dispositif est également éligible aux enfants dès 3 ans, vous pouvez donc profiter d’un suivi pour votre petit·e costaud si vous en ressentez le besoin. 

Si vous n’êtes pas à l’aise avec cette pratique, n’hésitez pas à vous tourner vers une sage femme, un·e accompagnant·e périnatal·e ou encore un·e hypnothérapeute, qui pourront vous aider à exprimer vos ressentis et à vous relaxer.

Pour accompagner les émotions de vos enfants, vous pouvez vous reporter à notre article sur le sujet et à des supports concrets comme notre coup de cœur La couleur des émotions de Anna Llenas.

Les supports et ressources sur lesquels s’appuyer pour évoquer le risque d’accouchement prématuré avec ses enfants.

Les supports et ressources sur lesquels s’appuyer pour évoquer le risque d’accouchement prématuré

Nous le conseillons souvent sur Petit mais Costaud pour de nombreux sujets, mais les livres permettent à vos enfants d’aborder une problématique à leur rythme et avec l’aide d’un regard extérieur, d’illustrations explicatives et d’un ton bienveillant. En plus des ressources qui expliquent la prématurité aux aîné·e·s que nous avons mentionnées dans un article consacré au sujet, vous pouvez vous appuyer sur des supports qui évoquent la grossesse en elle-même et les changements qu’elle opère : 

« Nos proches et nous-mêmes avons offerts plusieurs livres à notre fils, pour lui expliquer ce qu’implique cette grossesse (tant pour moi – sur mon état physique, que pour lui – bientôt grand frère) et pour lui permettre d’exprimer lui aussi ce qu’il ressent. »

Laure

D’autres livres évoquent directement cette discussion sensible avec ses plus grands comme Trop tôt de Céline Sorin et Célia Chauffrey, Un conte pour Eva-Luna ou l’histoire d’une petite sœur un peu trop pressée de venir au monde de Violaine Martel-Guevara, Ma courageuse petite sœur de Déborah Le Meur ou Le petit frère de Lili est né mais il n’est pas à la maison, de l’association Sparadrap. Le petit frère de Lola est arrivé en avance de Charlotte Bouvard et Alexandra Brijatoff de l’association SOS Préma emmène dans les coulisses de l’hôpital pour mieux envisager ce paysage déconcertant. Vous trouverez d’autres idées de ressources dans la librairie de Gaspard et Alice.

Par ailleurs, vous pouvez commencer une activité ensemble en lien avec ce petit frère ou cette petite sœur à venir comme un dessin pour sa future chambre, une comptine à chanter pour l’endormir, un carnet illustré des moments avant la naissance, mais aussi des décorations pour le retour à la maison après l’accouchement comme une guirlande ou une affiche qui souhaite la bienvenue. De cette manière, votre enfant pourra envisager et créer un lien avec ce bébé qu’il ne connaît pas encore.

Optimiser l’organisation à la maison

Lors d’une période d’immobilité, vous aurez besoin de garder vos forces et cette restriction de vos actions demande une certaine préparation. Marion explique les changements dans son organisation et celui de sa fille pour faire face à ce nouveau rythme de vie : 

« En plus des placards de la cuisine pour qu’elle récupère seule son goûter, nous avons réorganisé celui des vêtements pour qu’elle puisse attraper son pyjama ou autre, même si j’essayais d’être là le plus possible. Quand le papa était à la maison, il s’en occupait. 

Je restais toujours dans la pièce, mais je devais rester assise. Je lui expliquais “tu vas chercher ça là”. J’avais fait en sorte que tout soit à sa portée, comme les chaussures ou la nourriture. J’avais aussi acheté deux petites marches pour qu’elle puisse aller dans la baignoire seule et aux toilettes. J’ai aussi dû lui apprendre comment utiliser le robinet d’eau chaude pour ne pas qu’elle se brûle. 

J’essayais de la rendre autonome sur un maximum de choses pour que je puisse me concentrer sur celles qu’elle ne pouvait pas gérer de manière indépendante comme les repas. »

Passer du temps de qualité avec les aîné·e·s malgré l’alitement.

Passer du temps de qualité avec les aîné·e·s malgré l’alitement

En raison de l’alitement, vous n’aurez pas la possibilité de jouer ou de vous balader avec votre enfant comme vous le souhaitez. Après avoir expliqué cette situation à votre petit·e costaud, vous pouvez donner des alternatives qui permettront de conserver un lien tout en respectant votre besoin de repos, par exemple en lui proposant d’écouter de la musique ou un conte ensemble, mais aussi de lire une histoire ou réaliser une activité peu énergivore comme le dessin ou la peinture, la pâte à modeler, le découpage-collage, les jeux de société, les perles ou encore les jeux de construction. 

Lorsque nous vous avons posé la question sur Instagram, vous avez été plusieurs à partager des pistes d’occupations calmes compatibles avec l’alitement : 

« J’essayais de passer des moments avec lui à son retour de l’école, en restant allongée, on faisait les devoirs, des moments jeux de cartes ou dessins, câlins… On essayait aussi de lui proposer des activités avec papa pour que ça passe plus vite. »

Si vous pouvez disposer d’un mode de garde pour votre enfant ou obtenir l’aide de vos proches, le fait de rester à la maison, avec ses affaires, peut aider votre enfant à conserver un cadre sécurisant. Néanmoins, il sera nécessaire d’adapter en fonction des réactions de votre enfant et des possibilités dont vous disposez. 

Expliquer le risque d’accouchement prématuré aux aîné·e·s demande de la patience et de la bienveillance. En vous appuyant sur des éléments concrets comme vos symptômes, des livres adaptés, une rencontre avec le personnel soignant ou une visite de l’hôpital, votre enfant sera plus susceptible d’appréhender et d’accepter cette réalité. Cette discussion permettra aussi d’ajuster vos activités avec votre plus grand pour respecter au mieux votre besoin de repos. Vivre une nouvelle grossesse après une naissance prématurée nécessite d’être bien entouré, tant au niveau émotionnel, matériel que médical. Dans un prochain article, nous aborderons des pistes pour s’organiser avec ses plus grands lorsque notre mobilité est réduite.

Comment avez-vous expliqué le risque d’accouchement prématuré à vos aîné·e·s ? N’hésitez pas à partager sur notre page contact, en message privé sur nos réseaux sociaux (Facebook et Instagram) ou dans les commentaires de cet article ce que vous avez mis en place pour parler de la situation à vos plus grands et rester présents à leurs côtés malgré les difficultés physiques.

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